Histoires à penser et à « panser »  !


Sommaire :

Le trésor du baobab,  Henri Gougaud
les deux pots dont l'un était fêlé, auteur inconnu
les chevaux du destin, conte taoïste

l'homme qui courait après sa chance, Henri Gougaud
L'arbre à deux branches, d'après un récit de la compagnie L'Oiseau-Tonnerre
Garuda et le petit oiseau, d'après un récit de Anne-Cécile Touzard
Vider sa barque, conte taoïste

Deux fils, anonyme

Les yeux du cœur

L'anneau d'or





.... à suivre

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Le trésor du baobab


Un jour de grande chaleur, un lièvre fit halte dans l'ombre d'un baobab, s'assit sur son train et, contemplant au loin la brousse bruissante sous le vent brûlant, il se sentit infiniment bien. « Baobab, pensa-t-il, comme ton ombre est fraîche et légère dans le brasier de midi ! » Il leva le museau vers les branches puissantes.  Les feuilles se mirent à frissonner d'aise, heureuses des pensées amicales qui montaient vers elles. Le lièvre rit, les voyant contentes.  Il resta un moment béat, puis clignant de l'œil et claquant de la langue, pris de malice joueuse :

- Certes, ton ombre est bonne, dit-il.  Assurément meilleure que ton fruit.  Je ne veux pas médire, mais celui qui me pend au-dessus de la tête m'a tout l'air d'une outre d'eau tiède.

Le baobab, dépité d'entendre ainsi douter de ses saveurs, après le compliment qui lui avait ouvert l'âme, se piqua au jeu.  Il laissa tomber son fruit dans une touffe d'herbe.  Le lièvre le flaira, le goûta, le trouva délicieux.  Alors il le dévora, s'en pourlécha le museau, hocha la tête.  Le grand arbre, impatient d'entendre son verdict, se retint de respirer.

- Ton fruit est bon, admit le lièvre.

Puis il sourit, repris par son allégresse taquine, et dit encore :

- Assurément il est meilleur que ton cœur.  Pardonne ma franchise : ce cœur qui bat en toi me paraît plus dur qu'une pierre.

Le baobab, entendant ces paroles, se sentit envahi par une émotion qu'il n'avait jamais connue.  Offrir à ce petit être ses beautés les plus secrètes, Dieu du ciel, il le désirait, mais tout à coup, quelle peur il avait de les dévoiler au grand jour !  Lentement il entrouvrit son écorce.  Alors apparurent des perles en colliers, des pagnes brodés, des sandales fines, des bijoux d'or.  Toutes ces merveilles qui emplissaient le cœur du baobab se déversèrent à profusion devant le lièvre dont le museau frémit et les yeux s'éblouirent.

- Merci, merci, tu es le meilleur et le plus bel arbre du monde, dit-il, riant comme un enfant comblé et ramassant fiévreusement le magnifique trésor.

Il s'en revint chez lui, l'échine lourde de tous ces biens.  Sa femme l'accueillit avec une joie bondissante.  Elle le déchargea à la hâte de son beau fardeau, revêtit pagnes et sandales, orna son cou de bijoux et sortit dans la brousse, impatiente de s'y faire admirer de ses compagnes.

Elle rencontra une hyène.  Cette charognarde, éblouie par les enviables richesses qui lui venaient devant, s'en fut aussitôt à la tanière du lièvre et lui demanda où il avait trouvé ces ornements superbes dont son épouse était vêtue.  L'autre lui conta ce qu'il avait dit et fait à l'ombre du baobab.  La hyène y courut, les yeux allumés, avide des mêmes biens.  Elle y joua le même jeu.  Le baobab, que la joie du lièvre avait grandement réjoui, à nouveau se plut à donner sa fraîcheur, puis la musique de son feuillage, puis la saveur de son fruit, enfin la beauté de son cœur.

Mais, quand l'écorce se fendit, la hyène se jeta sur les merveilles offertes comme sur une proie, et fouillant des griffes et des crocs les profondeurs du grand arbre pour en arracher plus encore, elle se mit à gronder :

- Et dans tes entrailles, qu'y a-t-il ? Je veux aussi dévorer tes entrailles ! Je veux tout de toi, jusqu'à tes racines !  Je veux tout, entends-tu ?

Le baobab blessé, déchiré, pris d'effroi aussitôt se referma sur ses trésors et la hyène insatisfaite et rageuse s'en retourna bredouille vers la forêt.

Depuis ce jour elle cherche désespérément d'illusoires jouissances dans les bêtes mortes qu'elle rencontre, sans jamais entendre la brise simple qui apaise l'esprit.  Quant au' baobab, il n'ouvre plus son cœur à personne.  Il a peur.  Il faut le comprendre : le mal qui lui fut fait est invisible, mais inguérissable.

En vérité, le cœur des hommes est semblable à celui de cet arbre prodigieux : empli de richesses et de bienfaits.  Pourquoi s'ouvre-t-il si petitement, quand il s'ouvre ? De quelle hyène se souvient-il ?


Tiré de « L’arbre aux trésors » de Henri Gougaud, Ed du Seuil



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Les deux pots, dont l'un était fêlé


Une vieille dame chinoise possédait deux grands pots, chacun suspendu au bout d’une perche qu’elle transportait, appuyée derrière son cou.

 
Un des pots était fêlé alors que l’autre pot était en parfait état et rapportait toujours sa pleine ration d’eau.

 
A la fin de la longue marche du ruisseau vers la maison, le pot fêlé, lui, n’était plus qu’à moitié rempli d’eau.

 
 Tout ceci se déroula quotidiennement pendant deux années complètes alors que la vieille dame ne rapportait chez elle qu’un pot et demi d’eau.

 
 Bien sûr le pot intact était très  fier de ce qu’il accomplissait mais le pauvre  pot fêlé avait honte de ses propres imperfections.

 
Le pot fêlé se sentait triste car il ne pouvait faire que la moitié du travail pour lequel il avait été créé.

 
 Après deux années de ce qu’il percevait comme un échec, il s’adressa un jour à la vieille dame alors qu’ils étaient près du ruisseau.

 
  « J’ai honte de moi-même parce que la fêlure sur mon côté laisse l’eau s’échapper tout le long du chemin lors du retour vers la maison. »

 
La vieille dame sourit :


« As-tu remarqué qu’il y a des fleurs sur ton côté du chemin et qu’il n’y en a pas de l’autre côté ?  J’ai toujours su à propos de ta fêlure, donc j’ai semé des graines de fleurs de ton côté du chemin et, chaque jour, lors du retour à la maison, tu les arrosais… Pendant deux ans,  j’ai pu ainsi cueillir de superbes fleurs pour décorer la table.  Sans toi, étant simplement tel que tu es, il n’aurait pu y avoir cette beauté pour agrémenter la nature et la maison. »

 
Chacun de nous avons nos propres manques, nos propres fêlures mais ce sont chacun de ces manques qui rendent nos vies ensemble  si intéressantes.

 

Chaque fêlure rend nos vies enrichissantes à trouver ce qu’elle a de bon en elle.


Auteur inconnu


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Les chevaux du destin


Un modeste paysan vivait au nord de la Chine, aux confins des steppes hantées par les hordes nomades.

Il rentra un jour de la foire en sifflotant avec une superbe pouliche qu’il avait achetée à un prix raisonnable, engloutissant tout de même cinq ans d’économies.

Quelques jours plus tard, son unique cheval, qui constituait tout son capital, s’échappa et disparut vers la frontière. L’événement fit le tour du village et les voisins vinrent tour à tour plaindre le fermier de sa malchance. Il haussait les épaules et répondait imperturbablement :

-         Les nuages cachent le soleil, mais apportent la pluie. D’un malheur naît parfois un bienfait. Nous verrons.

Trois mois plus tard, la jument réapparut avec un magnifique étalon  sauvage caracolant à ses côtés. Elle était grosse. Les voisins vinrent  féliciter l’heureux propriétaire :

-         Vous aviez raison d’être optimiste. Vous perdez un cheval et vous en gagnez trois !

-         Les nuages apportent la pluie nourricière, et parfois l’orage dévastateur. Le malheur se cache dans les plis du bonheur. Attendons.

Le fils unique du paysan dressa l’étalon fougueux et prit plaisir à le monter. Il ne tarda pas à faire une chute de cheval où il faillit se rompre le cou. Il s’en tira avec une jambe cassée.

Aux voisins qui venaient à nouveau lui chanter leur complainte, le philosophe campagnard répondit :

-         Calamité ou bénédiction, qui peut savoir ? Les changements n’ont pas de fin en ce monde impermanent.

Quelques jours plus tard, la mobilisation générale fut décrétée dans tout le district pour repousser une invasion mongole. Tous les jeunes gens valides partirent combattre et bien peu regagnèrent leurs foyers. Mais le fils unique du paysan, grâce à ses béquilles, échappa au massacre.


Tiré des  « Contes des sages taoïstes » , Pascal Fauliot, Ed du seuil


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L'homme qui courait après sa chance


Il était une fois un homme malheureux. Il aurait bien aimé

avoir dans sa maison une femme avenante et fidèle. Beaucoup

étaient passées devant sa porte, mais aucune ne s'était

arrêtée. Par contre, les corbeaux étaient tous pour son

champ, les loups pour son troupeau et les renards pour son

poulailler. S'il jouait, il perdait. S'il allait au bal, il pleuvait.

Et si tombait une tuile du toit, c'était juste au moment où il

était dessous. Bref, il n'avait pas de chance.
 

Un jour, fatigué de souffrir des injustices du sort, il s'en fut

demander conseil à un ermite qui vivait dans un bois derrière

son village. En chemin, un vol de canards laissa tomber sur

lui, du haut du ciel, des fientes, mais il n'y prit pas garde, il

avait l'habitude. Quand il parvint enfin, tout crotté, tout

puant, à la clairière où était sa cabane, le saint homme lui dit :
 

- Il n'y a d'espoir qu'en Dieu. Si tu n'as pas de chance, lui

seul peut t'en donner. Va le voir de ma part, je suis sûr qu'il

t'accordera ce qui te manque.
 

L'autre lui répondit :
 

- J'y vais. Salut l'ermite !
 

Il mit donc son chapeau sur la tête, son sac à l'épaule, la

route sous ses pas, et s'en alla chercher sa chance auprès de

Dieu, qui vivait en ce temps-là dans une grotte blanche, en

haut d'une montagne au-dessus des nuages.
 

Or en chemin, comme il traversait une vaste forêt, un tigre

lui apparut au détour du sentier. Il fut tant effrayé qu'il

tomba à genoux en claquant des dents et tremblant des

mains.


- Épargne-moi, bête terrible, lui dit-il. Je suis un malchanceux,

un homme qu'il vaut mieux ne pas trop fréquenter.

En vérité, je ne suis pas comestible. Si tu me dévorais,

probablement qu'un os de ma carcasse te trouerait le gosier.
 

- Bah, ne crains rien, lui répondit le tigre. Je n’ai pas

d'appétit. Où vas-tu donc, bonhomme ?
 

- Je vais voir Dieu, là-haut, sur sa montagne.

 

- Porte-lui mon bonjour, dit le tigre en bâillant. Et

demande-lui pourquoi je n'ai pas faim. Car si je continue à

n'avoir goût de rien, je serai mort avant qu'il soit longtemps.

Le voyageur promit, bavarda un moment des affaires du

monde avec la grosse bête et reprit son chemin.
 

Au soir de ce jour, parvenu dans une plaine verte, il

alluma son feu sous un chêne maigre. or, comme il

s'endormait, il entendit bruisser le feuillage au-dessus de sa

tête. Il cria :
 

- Qui est là ?
 

Une voix répondit :
 

- C'est moi, l'arbre. J'ai peine à respirer. Regarde mes

frères sur cette plaine. Ils sont hauts, puissants, magnifiques.

Moi seul suis tout chétif. Je ne sais pas pourquoi.
 

- Je vais visiter Dieu. Je lui demanderai un remède pour toi.
 

- Merci, voyageur, répondit l'arbre infirme.

 

L'homme au matin se remit en chemin. vers midi il arriva

en vue de la montagne. Au soir, à l'écart du sentier qui

grimpait vers la cime, il vit une maison parmi les rochers.

Elle était presque en ruine. Son toit était crevé, ses volets

grinçaient au vent du crépuscule. Il s'approcha du seuil, et

par la porte entrouverte il regarda dedans. Près de la

cheminée une femme était assise, la tête basse. Elle pleurait.

L'homme lui demanda un abri pour la nuit, puis il-lui dit :
 

- Pourquoi êtes-vous si chagrine ?
 

La femme renifla, s'essuya les yeux.
 

- Dieu seul le sait, répondit-elle.

 
- Si Dieu le sait, lui dit I'homme, n'ayez crainte, je

I'interrogerai. Dormez bien, belle femme.

Elle haussa les épaules. Depuis un an la peine qu'elle avait

la tenait éveillée tout au long de ses nuits.
 

Le lendemain, le voyageur parvint à la grotte de Dieu. Elle

était ronde et déserte. Au milieu du plafond était un trou par

où tombait la lumière du ciel. L'homme s'en vint dessous.

Alors il entendit :
 

- Mon fils, que me veux-tu ?
 

- Seigneur, je veux ma chance.
 

- Pose-moi trois questions, mon fils, et tu I'auras. Elle

t'attend déjà au pays d'où tu viens.
 

- Merci, Seigneur. Au pied du mont est une femme triste.

Elle pleure. Pourquoi ?
 

- Elle est belle, elle est jeune, il lui faut un époux.
 

- Seigneur, sur mon chemin j'ai rencontré un arbre bien

malade. De quoi souffre-t-il donc ?
 

- Un coffre d'or empêche ses racines d'aller chercher

profond le terreau qu'il lui faut pour vivre.
 

- Seigneur, dans la forêt est un tigre bizarre. Il n'a plus d'appétit.
 

- Qu'il dévore I'homme le plus sot du monde, et la santé lui reviendra.
 

- Seigneur, bien le bonjour !
 

L'homme redescendit, content, vers la vallée. Il vit la

femme en larmes devant sa porte. Il lui fit un grand signe.
 

- Belle femme, dit-il, il te faut un mari !
 

Elle lui répondit :
 

- Entre donc, voyageur. Ta figure me plaît. Soyons

heureux ensemble !
 

- Hé, je n'ai pas le temps, j'ai rendez-vous avec ma chance,

elle m'attend, elle m'attend !
 

Il la salua d'un grand coup de chapeau tournoyant dans le

ciel et s'en alla en riant et gambadant. Il arriva bientôt en vue

de I'arbre maigre sur la plaine. Il lui cria, de loin :
 

- un coffre rempli d'or fait souffrir tes racines. C'est Dieu

qui me I'a dit !
 

L'arbre lui répondit :
 

- Homme, déterre-le. Tu seras riche et moi je serai délivré !
 

- Hé, je n'ai pas le temps, j'ai rendez-vous avec ma chance,

elle m'attend, elle m'attend !
 

Il assura son sac à son épaule, entra dans la forêt avant la

nuit tombée. Le tigre I'attendait au milieu du chemin.
 

- Bonne bête, voici : Tu dois manger un homme. Pas

n'importe lequel, le plus sot qui soit au monde.
 

Le tigre demanda :
 

- Comment le reconnaître ?
 

- Je l'ignore, dit I'autre. Je ne peux faire mieux que de te

répéter les paroles de Dieu, comme je I'ai fait pour la femme et pour I'arbre.
 

- La femme ?
 

- Oui, la femme. Elle pleurait sans cesse. Elle était jeune

et belle. Il lui fallait un homme. Elle voulait de moi. Je

n'avais pas le temps.
 

- Et I'arbre ? dit le tigre.
 

- Un trésor I'empêchait de vivre. Il voulait que je I'en

délivre. Mais je t'ai déjà dit : je n'avais pas le temps. Je ne

I'ai toujours pas. Adieu, je suis pressé.
 

- Où vas-tu donc ?
 

- Je retourne chez moi. J'ai rendez-vous avec ma chance.

Elle m'attend, elle m'attend !
 

- Un instant, dit le tigre. Qu'est-ce qu'un voyageur qui

court après sa chance et laisse au bord de son chemin une

femme avenante et un trésor enfoui ?
 

- Facile, bonne bête, répondit I'autre étourdiment. C'est

un sot. A bien y réfléchir, je ne vois pas comment on pourrait

être un sot plus sot que ce sot-là.
 

Ce fut son dernier mot. Le tigre enfin dîna de fort bon

appétit et rendit grâce à Dieu pour ses faveurs gratuites.


Tiré de « L’arbre d’amour et de sagesse » Henri Gougaud , Ed. du seuil


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L'arbre à deux branches (d'après un récit de la compagnie L'Oiseau-Tonnerre)

 

On raconte qu'il y avait une fois un village au centre duquel se dressait un arbre immense. L'arbre, divisé en deux branches principales, portait des fruits toute l'année, sauf que personne n'avait jamais osé les manger. En effet, une ancienne légende disait que l'une des branches donnait des fruits empoisonnés alors que l'autre donnait les fruits les plus succulents du monde, mais personne ne se souvenait quelle branche était la bonne.

Une année vint où une terrible sécheresse s'abattit sur la région. Un homme qui n'avait plus rien à manger, et qui voyait son fils dépérir d'heure en heure, décida de tenter sa chance. Il choisit l'une des branches, goûta le fruit le plus proche, et survécut. Aussitôt le village prit un air de fête. Les habitants sortirent tous leurs paniers et leurs sacs pour les remplir de fruits. Une fois rassasiés, ils coupèrent la branche empoisonnée pour que personne ne puisse se tromper, et ils en firent un grand feu autour duquel ils chantèrent et dansèrent toute la nuit. Mais quand le jour se leva et que les villageois se réveillèrent, l'arbre miraculeux était mort.


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Garuda et le petit oiseau (d'après un récit de Anne-Cécile Touzard)

 

On dit qu'à l'entrée du paradis des dieux, il y a une grande porte entourée par un muret. Un jour où un important rassemblement des dieux fut décrété, Vishnou arriva en premier, monté sur son véhicule l'homme-oiseau Garuda. Son divin visage s'éclaira d'un grand sourire lorsqu'il aperçut un petit oiseau posé sur le muret. Il laissa Garuda près de la porte, et celui-ci put constater que tous les dieux, qui arrivaient à tour de rôle, souriaient en voyant l'oiseau.

Lorsque le dieu de la mort se présenta à son tour et regarda le petit animal, Garuda fut pris de panique. Il était sûr qu'une fois le rassemblement terminé, le dieu de la mort emporterait avec lui ce frêle oiseau qu'il avait regardé avec tant d'intensité. Il décida donc de prendre l'oiseau sur son dos et de l'emporter aussi loin que possible. Il réussit à parcourir cinquante kilomètres avant d'être obligé de revenir chercher Vishnou.

Garuda mourait d'envie de raconter à Vishnou la bonne action qu'il venait d'accomplir, mais d'abord il demanda à son maître pourquoi les dieux semblaient apprécier cet oiseau à tel point qu'ils lui souriaient tous. Et Vishnou répondit que cela leur faisait simplement plaisir de voir ce bel oiseau à cet endroit car il était écrit qu'il devait mourir le jour même à cinquante kilomètres de là.


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Vider sa barque.

 

Le duc de Lou avait fait un long périple pour venir demander un conseil à Tchouang-tseu, le sage incomparable. Il le trouva dans une prairie, tout débraillé, jouant à la balle avec une bande d’enfants. Le taoïste aux pieds nus continua de jouer, se contentant de faire un signe au souverain pour lui indiquer qu’il ne pouvait interrompre la partie. Un jeu est chose sérieuse pour les enfants, comme chacun sait.

 

Connaissant la réputation du sage excentrique, le souverain n’insista pas. Il s’installa avec sa suite sur des pliants que des serviteurs empressés mirent à disposition et entreprit de pique-niquer.

 

A la fin de la partie Tchouang-tseu, tout en s’épongeant le front avec les pans de sa tunique, demanda au potentat quel était l’objet de sa visite. Le duc magnanime fit verser au sage un vin de pêche dans une timbale d’argent et lui expliqua.

 

-         Mon pays de Lou est prospère, j’y fais régner l’ordre et la justice, j’observe la morale et les rites ancestraux, et pourtant, j’entends dire que mes ministres me critiquent et que mon peuple est mécontent.

 

Le sage huma longuement le précieux gobelet, dégusta à petites gorgées le vin de pêche en se gargarisant bruyamment le gosier, et répondit :

 

-         Si une barque vide dérive au gré des courants et se dirige sur une jonque, les bateliers, même les pires brutes, ne se fâcheront pas et feront tout pour l’éviter. Supposons maintenant que la même barque dérive avec un homme à bord. L’attitude des marins se fera différente. Même les plus débonnaires pousseront des cris, gesticuleront, et si l’homme ne répond pas, s’il est endormi, ils se mettront en colère et l’insulteront. Si jamais la barque heurte le navire, ils seront capables de sauter dedans et de flanquer une correction à son passager. Si la barque est pleine, elle attire la colère. Si elle est vide, elle ne la provoque pas. Ainsi, si vous jetez par-dessus bord votre moi, vous traverserez le fleuve de la vie sans que nul s’oppose à vous ni cherche à vous nuire.

 

Et en guise de conclusion, sans doute inspiré par le vin de pêche, Tchouang-tseu improvisa ces vers :

 

A celui qui n’est plus attaché à lui-même,

les formes et les êtres se manifestent.

Dans ses mouvements, il est comme l’eau,

insaisissable.

Au repos, il est comme un écho,

un miroir.

 

Tiré des  « Contes des sages taoïstes » , Pascal Fauliot, Ed du seuil


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Deux fils


U
ne ancienne légende arabe raconte qu'un sage homme vivait heureux avec sa famille, une épouse admirable et deux fils chéris. Un jour il dût entreprendre un long voyage de plusieurs jours, et pendant son absence un grave accident provoqua la mort de ses deux fils tant aimés.

La mère sentait son coeur lourd de douleur. Toutefois, étant une femme forte et sage, soutenue par la foi et la confiance en Dieu, elle supporta le drame avec bravoure et dignité.

Elle avait cependant une grande préoccupation à l'esprit : Comment annoncer la triste nouvelle à son mari ? Il avait le coeur fragile et elle avait peur qu'il ne supporte pas le choc. Alors se tournant vers Dieu, elle Lui demanda de l'aider à se sortir de cette triste situation.

Les jours passèrent et son mari rentra de voyage. Il embrassa son épouse et lui demanda des nouvelles de ses deux fils. Elle lui dit qu'ils auraient le temps d'en parler à dîner, mais qu'il prenne d'abord un bon bain.

Après le bain, à table, elle lui demanda comment s'était passé son voyage. Mais il lui demanda encore des nouvelles de ses fils. L'épouse embarrassée lui répondit : 

- Laisse les garçons. Avant je voudrais que tu m'aides à résoudre un problème qui me parait très important. 

- Alors, parle, nous allons résoudre ce problème ensemble, lui dit le sage homme. 

- Quand tu étais absent, un ami est passé nous rendre visite et nous a laissé en garde deux bijoux d'une valeur inestimable, mais ces bijoux sont si merveilleux, que je m'y suis attachée et je n'ai pas très envie de les lui rendre, qu'en penses-tu ?

Le mari lui répondit : 

- Je ne comprends pas ton comportement. Tu n'as jamais été attirée par ces choses d'apparat, et combien même tu le serais, ces bijoux ne t'appartiennent pas et tu dois les rendre. 

- Mais je n'arrive pas à me faire à l'idée de les perdre, lui répondit l'épouse.

Le mari lui rétorqua : 

- On ne peut pas perdre ce que l'on n'a jamais possédé. Tu vas rendre ces bijoux, nous allons le faire ensemble aujourd'hui même.

Sa femme lui répondit : 

- Très bien mon époux, qu'il soit fait comme tu le veux. Les deux merveilleux bijoux seront rendus à celui qui nous les avait confiés. En vérité c'est déjà fait, car ces bijoux inestimables étaient nos deux fils tant aimés, que Dieu a rappelés à lui.

Le sage homme comprit le message, enlaça sa femme, et sans désespoir ni révolte ils laissèrent couler leurs larmes.

Anonyme   ( source )



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Les yeux du cœur.

Il était une fois un homme assis près d’une oasis, à l’entrée d’une ville du Moyen-Orient. Un jeune homme s’approcha et lui demanda :

- Je ne suis jamais venu ici. Comment sont les gens qui vivent dans cette ville?

Le vieil homme lui répondit par une autre question:

- Comment étaient les gens de la ville d’où tu viens?

– Egoïstes et méchants. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je suis bien content d’être parti.

– Tu trouveras les mêmes ici. Répondit alors le vieil homme.

Un peu plus tard, un autre jeune homme s’approcha et lui posa la même question:

- Je viens d’arriver dans la région. Comment sont les gens qui vivent dans cette ville?

Le vieil homme répondit de même:

- Dis-moi mon garçon comment étaient les gens de la ville d’où tu viens?

– Ils étaient bons, bienveillants, accueillants, honnêtes. J’y avais de nombreux amis et j’ai eu beaucoup de mal à les quitter.

– Tu trouveras les mêmes ici. Répondit le vieil homme.

Un marchand qui faisait boire ses chameaux, avait entendu les deux conversations. Dès que le second jeune homme s’éloigna, il s’adressa au vieillard sur un ton de reproche:

- Comment peux-tu donner deux réponses complètement différentes à la question posées par ses deux personnes?

– Mon fils, dit le vieil homme, chacun porte son univers dans son cœur. D’où qu’il vienne, celui qui n’a rien trouvé de bon par le passé ne trouvera rien ici non plus. Par contre, celui qui avait des amis dans l’autre ville trouvera ici aussi des amis loyaux et fidèles. Car, vois-tu, les gens sont, vis-à-vis de nous, ce que nous voyons en eux!

Contes et récits pour tous les temps




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L'anneau d'or


Un écolier vint trouver son professeur pour lui parler d'un problème :

- Je viens vous voir, car je n'ai pas la force d'affronter mon problème tout seul. Ils disent que je ne

sers à rien, que je ne fais rien de bien, que je suis bête et idiot. Comment puis-je devenir meilleur ? Que puis-je faire pour qu'on m'apprécie ?

Le professeur, sans lui jeter un regard, lui dit :

- Je suis vraiment désolé mon garçon. Pour l'instant, je dois résoudre mon propre problème.

Ensuite, peut-être...

Faisant une pause, il dit :

- Si tu m'aides à résoudre mon problème rapidement, je pourrai peut-être ensuite t'aider à résoudre le tien.

- Bien sûr, professeur, dit le garçon. Mais il se sentit aussitôt dévalorisé.

Le professeur ôta un anneau de son petit doigt et lui dit :

- Prends ton cheval et va sur le marché. Tu devras vendre cet anneau pour moi car je dois

rembourser une dette. Evidemment, tu devras en obtenir le maximum, mais ne le vends surtout pas en dessous d'une pièce d'or. Va et reviens avec l'argent le plus rapidement possible.

Le garçon prit l'anneau et s'en alla. Quand il arriva sur le marché, il commença à le proposer aux

marchands. Ils paraissaient très intéressés et attendaient de savoir combien le jeune garçon en

demandait. Dès qu'il parlait de la pièce d'or, certains éclataient de rire, d'autres partaient sans

même le regarder. Seul un vieillard fut assez aimable pour lui expliquer qu'une pièce d'or avait

beaucoup trop de valeur pour acheter une bague. Voulant aider le jeune garçon, on lui proposa

une pièce de bronze, puis une pièce d'argent. Mais le garçon suivait les instructions de son

professeur de ne rien accepter en dessous d'une pièce d'or, et déclina toutes les offres.

Après avoir proposé le bijou à tous les passants du marché, et abattu par son échec cuisant, il

remonta sur son cheval et rentra. Le jeune garçon aurait voulu avoir une pièce d'or pour acheter

lui-même cet anneau, libérant ainsi son professeur afin qu'il puisse ainsi lui venir en aide à son tour avec ses conseils.

Il arriva vers le professeur et lui dit :

- Professeur, je suis désolé, mais je n'ai pas réussi à obtenir ce que vous m'aviez demandé. J'aurais pu récupérer 2 ou 3 pièces d'argent, mais je crois que l'on ne peut pas tromper quelqu'un sur la valeur de cette bague.

- C'est très important ce que tu me dis, mon garçon, rétorqua le professeur en souriant. Tout

d'abord, nous devons connaître la vraie valeur de cet anneau. Remonte à cheval et va chez le

joaillier. Qui mieux que lui connaîtra sa vraie valeur ? Mais peu importe ce qu'il t'en offrira, ne le

vends pas. Reviens ici avec mon anneau.

Le garçon alla trouver le joaillier et lui tendit l'anneau pour qu'il l'examine. Le joaillier le scruta à

la loupe, le pesa et lui dit :

- Dis à ton professeur que, s'il veut le vendre aujourd'hui, je ne peux lui donner que 58 pièces d'or.

- 58 pièces d'or !! S'exclama le jeune garçon.

- Oui, répondit le joaillier, et je crois que dans quelque temps, je pourrai lui en offrir 70. Mais si la

vente est urgente...

Le garçon courut tout excité chez le professeur pour lui raconter ce qui s'était passé. Le

professeur le fit asseoir et, après avoir écouté l'enfant, il lui dit :

- Tu es comme cet anneau d'or, un joyau de grande valeur et unique. Seulement, sa valeur ne peut être reconnue que par un spécialiste. Tu pensais que n'importe qui pouvait découvrir sa vraie valeur ?

Tout en parlant, il remit son anneau à son doigt :

- Nous sommes tous comme ce bijou. D'une très grande valeur et uniques. Et nous allons sur tous les marchés de la vie en espérant que des personnes inexpérimentées reconnaissent notre valeur.

 

Anonyme


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